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Le salon de Balder
5 juillet 2008

Chronique du samedi matin

 Jour de marché

 

 

 Rue qui s’exile sous les pas encombrés. Inertie touristique.
   Inerte et frénétique.
   Coloration des stands, fleuris comme des mensonges.
  Courir, tenter de fuir. Peut-être vers la rivière pour y voir les poissons dans les eaux avenantes, pour devenir pélobate et regarder les trains qui voient passer les vaches.
   Mais non j’insiste un peu sur la soufrière, en me disant que plus tard ce sera là, le pire.
   Sur les pavés. L’éruption, les sandales, les poucettes Ferrari, la puanteur des parfums, les bras qui collent à ceux des autres, les enfants qui conspuent les parents pour un jouet, une sucette, les vieux qui lambinent dans leurs scaphandres comme des peulvens immobiles au beau milieu de la rue et les égarés de la « saucisse de tradition » bourrée de nitrite qui s’extasieront des heures durant devant les stands dit «  à l’ancienne ».
  Mais il m’en faut du temps ce matin pour atteindre la striction fatale, le point de non retour alors je m’éparpille.
  J’ai la cataracte contractée dans le marché aux puces de luxe.
Des dorures, du kitch, des séchoirs en flanelle, des recueils de boniments, des éventails essoufflés, des tables débarrassées des anciens ravaudages et au dessus du panier des bouteilles transparentes qui ondulent du goulot.
Tiens ici c’est des gravures, des antiquités rustres, le chandelier se fend la bougie face à ce réquisitoire déclamé par des vendeurs retors aux accents enflammés.
La poudre aux yeux, c’est prescrit comme une méthadone, c’est sensation ! Invitation !
Viens chez mon fournisseur qu’il te vende ce que tu ne veux pas !
Mais quand l’addiction est dans le blaze t’as beau jouer les rétifs, c’est trop tard.
Ce n’est pas à toi qu’ils en veulent au fond.
C’est au fond de ton darfeuille, des fois qu’ils auraient des affinités avec, c’est qu’ils ont faim les crocodiles.
  Et voila le massacre. Les bouquins !
  Mon caprice à moi !
  C’est pas les meubles mon truc ni les manches à balais, les outils ithyphalliques c’est pas mon rayon, je laisse ça aux ménagères esseulées.
  C’est dans la poussière entre les vieilles pages que j’escampe la raison dans la rivière.
  J’ai la truffe qui frémit dans les pages anciennes et les voilà les facteurs de mes réminiscences solénoïdes.
Les scandaleux, les tragiques, les grecs en toges, les blasphématoires, les pamphlétaires, les dissidents, les surréalistes, les mystiques, les poètes de toutes les galaxies, les philosophes, les décadents, les romantiques exaltés, les maudits des comptoirs, les souverains du voyage immobile, les fécondateurs de l’infini par les voies de l’imaginaire.
J’en ai fabriquées des heures à éplucher leurs mots jusqu'à la chair, dans des convergences rituelles vers l’absolue.
  Et j’en retourne des cartons pour y trouver de l’or en pages, des lingots de mots, des rivières de pensées qui m’éclateront à la figure de suite, ou bien plus tard.
  Mais c’est qu’il est cher le bonhomme !
  Il me prend pour un cataplasme suisse, il me transforme en anecdote avec ses tarifs prohibitifs.
  J’en ai du foutre à lui revendre à l’emplumé !... qu’il se taise un peu l’animal !...
que je m’enfourne dans son gosier épris de truculences !
« T’aurais-je donc attendu pour apprendre à lire ? »
  Du gland !... sinistre acrobate de l’inflation chronique !... garde les tes livres et attends le prochain viol de pigeons pour les farcir de ton injuste soulte.
  J’étale le phénomène sur les stands réchauffés au dessus desquels je répands mon dégoût pour les prix alarmistes de quelques individus et je finis tout de même, à l’ombre d’un platane par trouver mon sésame, auréolé du symbole fastueux d’une illustre collection.
  Point d’abus ici mais plus qu’un contrat de lecture, un contrat de lecteur à lecteur.
  Quelques pièces en échange et mon sourire retrouve sa place.
  Je prends le temps de lever mon trophée en repassant devant le moulin à paroles qui m’insulte du regard, mais je n’ai que faire de cette incurie gélatiniforme et je poursuis mon chemin dans l’abondante floraison de fruits et de chemises, d’olives et de miels.
  Sur l’intersigne séculaire d’un stand de fromage sec je vois danser les chèvres dans l’anti-chambre de mon palais et rassasié d’anachronismes je quitte le marché vers une autre page à vivre.

 

 

 

Balder

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