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Le salon de Balder
15 novembre 2008

Curiosité de l'horrible

"Paris-PompéiParis-Pompéi" (1870-1872) et le touriste "anglais"

  Or cette culpabilité ressentie face à la curiosité de l'horrible et à la délectation qui l'accompagne trouve dans le motif du touriste anglais une échappatoire commode.
Loin de ne constater que la ruée photographique, le Parisien médusé assiste au succès touristique de la capitale encore fumante, dévastée par les pétroleuses de la Commune;
  Dès la fin du mois de mai 1871 surgit donc la forme archétypale du touriste moderne: le visiteur britannique, heureux d'éprouver le coupable mais délectable effroi de circuler dans une œuvre d'art en trois dimensions qui tient de Pompéi, du décor de théâtre, du roman noir à la Ann RadcliffeRadcliffe et de Piranèse. Ludovic Halévy qui est l'auteur des Notes et souvenirs (1871-1872) dont l'organisation en journal couvre la période du 22 mai 1871 au 18 janvier 1872, observe les spécimens de touristes anglais avec une avidité cynique. Le 25 mai, il en aperçoit un, épanoui, souriant, armé de trois lorgnettes, d'un calepin, et installant avec amour son petit pliant: "cela donne le désir de voir brûler Londres", commente Halévy. Pour comble d'ironie, le lieu d'observation le plus prisé ces petits Nérons de la Commune s'appelle Montretout: "Montretout is the best place to see Paris burn", s'exclame un Britannique. Le mardi 22 aout, Halévy observe 150 à 200 touristes anglais se retrouvant tout les matins, vers 10h place du Havre, avec sous le bras une lorgnette et le Guide de l'étranger à travers les ruines. Il parvient même le 22 septembre à se procurer le programme du voyagiste: "Une semaine à Paris. Voyage, hôtel de premier ordre, ruines de Paris et champs de bataille autour de Paris, soirées à l'opéra, au Théâtre Français; visites aux remparts, excursions à Champigny, Saint Cloud, Versailles, etc.; interprètes distingués, tous frais payés et pourboires compris: dix livres". Autre aspect de cette réalité sinistre: le discours de la déception tel qu'il se manifeste dans ce dialogue, qui semble du Ionesco avant la lettre, et qu'Halévy relève "textuellement":

Le mari:        ça ne fume plus.
La femme:     Non, ça ne fume plus
La jeune fille: C'est trés beau (a beautiful sight)
La femme:     Oui trés beau, trés beau et tout à fait à sensation (quite sensational)
Le mari:        C'est trés beau mais pas à sensation...ça ne fume plus...Il fallait venir, il y a huit jour... ça fumait encore...
La femme:     Nous n'avons pas pu venir.
Le mari   :     Nous n'avons pas pu venir à cause de votre soeur qui était installée chez nous et qui ne voulait pas s'en aller.

Conf du 21/10/03 Martine Lavaud Université Vauban Nïmes
A lire sur le sujet:
Le chien perdu et la femme fussillé de Arsène Houssaye (dentu 1872)
Paris incendié                             de Georges Bell        (1872)

Noir Désir, Le temps des cerises ici  http://noirdez.com/son/jukebox.htm

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