Haute Proximité

Trois rations dans le plexus, bille en tête d'un propos hors conversations.
Bâtiment A, Escalier B, juste à l'heure pour prendre le thé, verser un poil d'effusion dans chaque tasse.
Juste ce qu'il faut.
Berthe s'avance au bord du balcon, prend une cigarette, craque une allumette bleue et devient grise comme le ciel.
-Avez-vous vu la haie en venant?
-Ce matin il n'y paraîtra plus rien.
-Oui, des tasses de thé, assises en plein désert, une constellation d'arômes.
Redressé sur le transat, un ancien humain approche ses vieilles lèvres du bord de la tasse, Berthe aspire à grandes bouffées les derniers anneaux de la cigarette, brûlante odeur, fumée épaisse.
-Qui à gagné les élections?
-Qu'allons nous encore perdre?
-Ce matin il restait encore quelques poissons sur les stands du marché, les derniers sans doute, et votre mère comment va-t-elle?
-Comme un poisson... de l'an dernier sans doute.
-Vous vous trouvez drôle?
-Pas plus qu'un poisson.
-Allez, fermez les yeux, il est tard maintenant, la tisane est finie, rallongez-vous.
-Non! Vous, restez! vous rappelez vous encore d'un livre?
-Oui
-Lequel.
-Gens indépendants
-De quel auteur?
-Je ne sais plus, un islandais, je crois
-Il raconte quoi
-L'histoire d'un gars qui se souvient d'un livre au milieu d'une tempête et qui est pris d'hallucinations, il ne faut pas qu'il dorme, alors il récite des poèmes en marchant pour rester éveillé, Laxness c'est lui, l'auteur, Laxness.
Elle allume encore une cigarette, puis l'écrase aussitôt, c'est fini pour l'après midi, quelque chose s'est éteint dans ses yeux, la tisane à aussi fait effet, au fond du parc un paon fait la roue, des hommes en blouses blanches traversent l'allée, il pleut.

Balder